vendredi 7 juin 2013

Le cœur d'une autre, Tatiana de Rosnay

                                                                 


Quatrième de couverture :
Bruce, un quadragénaire divorcé, un peu ours, un rien misogyne, est sauvé sauvé in extremis par une greffe cardiaque. Après l'opération, sa personnalité, son comportement, ses goûts changent de façon surprenante. Il ignore encore que son nouveau cœur est celui d'une femme. Mais quand ce cœur s'emballe avec frénésie devant les tableaux d'un maître de la Renaissance italienne, Bruce veut comprendre. Qui était son donneur ? Quelle avait été sa vie ? Des palais austères de Toscane aux sommets laiteux des Grisons, Bruce mène l'enquête. Lorsqu'il découvrira la vérité, il ne sera plus jamais le même ... 

L'histoire et mon avis :
Entre les livres de Tatiana de Rosnay et moi, ça n'a pas été tout de suite le coup de cœur, bien au contraire. J'ai vraiment peu aimé le premier roman que j'ai lu d'elle ( La mémoire des murs), et souvent dans un tel cas, je mets l'auteur de côté et pars à la découverte d'un autre : je sais, les livres se suivent et ne se ressemblent pas forcément, parfois même le style change ... mais on ne va pas dire non plus qu'on manque d'écrivains, donc l'envie de juger l'un d'entre eux sur un seul de leur livre est grande - même si j'ai conscience que ce n'est pas l'une des meilleures idées que je puisse avoir. Néanmoins, à force de discussions avec d'autres lecteurs (il faut dire qu'on entend sur ses livres plus souvent du bien que du mal), et quelques mots échangés avec l'auteure, j'ai poursuivi avec un deuxième roman - non pas Elle s'appelait Sarah, qu'on m'a (trop ? ) recommandé au point qu'il me paraît maintenant juste inconcevable que ce livre ne puisse pas me plaire (quelle pression d'ailleurs pour ce livre, heureusement qu'il n'est qu'un objet), et j'appréhende de le lire -  mais avec le beau et émouvant Rose, que j'ai adoré. Ouf ! Enfin, mon honneur de lectrice est sain et sauf, j'ai aimé un Tatiana de Rosnay. D'ailleurs, ce livre me touche encore quand j'y repense. 

Pourquoi Le cœur d'une autre ? La couverture tout d'abord. Le rouge, qui attrape le regard et qui renvoie à la couleur du cœur, cœur qu'on retrouve sur cette première de couverture sous forme de racines. Une fois l'objet entre les mains, la quatrième de couverture me semblait intéressante : une histoire de métamorphose  de la personnalité, suite à une greffe, je n'ai encore rien lu sur ce sujet. Enfin, les préfaces (sur l'édition poche de 2009) de Tatiana de Rosnay et de son père laissent entrevoir qu'il y a une vraie question derrière ce livre, question que je trouve vraiment intéressante : une greffe du cœur peut-elle vraiment changer le comportement d'une personne ? Et si oui, jusqu'à quel point ?

Reprenons rapidement l'histoire. Bruce est un homme divorcé, père d'un garçon, passant son temps à rester enfermé chez lui à regarder la télé. Il se décrit lui-même comme ayant "les habitudes lugubres d'une vieille fille". Un beau jour, on découvre chez lui une "cardiomyopathie obstructive", une maladie grave du cœur : il lui faut une greffe.  Après de longues semaines d'attente auprès de son fils qui est venu s'installer chez lui pour s'en occuper, il reçoit enfin le coup de fil tant espéré : il va recevoir une greffe, ce nouveau cœur. L'opération se passe bien et rapidement Bruce se découvre de nouvelles envies : repeindre et ranger son appartement, sortir, prendre plus soin de lui ... Il va découvrir aussi qu'il a une passion pour la peinture, alors qu'il ne se souvient pas d'avoir déjà touché un pinceau. De jour en jour, c'est un nouvel homme qui nous est décrit. Étonné par ce changement de comportement, par ses émotions nouvelles, il décide de retrouver le donneur, aidé par celle qui partage alors sa vie, Joséphine, secrétaire de son médecin. Et alors il va comprendre que ce n'est pas juste un cœur qu'il partage avec ce donneur. Une fois remis de ses émotions en découvrant qu'il s'agissait du cœur d'une femme, il cherchera à la remercier, à sa façon.

J'ai rapidement été lassée par les premières pages. Si la description de Bruce m'a bien amusée, si j'ai aimé vivre à ses côtés l'attente de la greffe, j'ai été prise d'ennui quand ont été énumérés les changements qui sont apparus au fur et à mesure dans sa vie. J'ai trouvé cela trop long, peut-être étais-je trop impatiente de connaitre la suite, déjà convaincue dès les premières "transformations" que c'était ce nouveau cœur qui changeait Bruce. Mais, rassurez-vous (ou non, d'ailleurs), une fois cela mis de côté, j'ai adoré le reste du livre : l'histoire avec Joséphine, la quête de Bruce pour connaître la vie de son donneur, la beauté aussi des descriptions quand il est submergé par l'émotion face aux peintures d'Ucello et la fin, belle mais malheureuse et par extension touchante, juste comme je la voulais. Cette façon aussi de découvrir un autre personnage, celui de Constance, à travers le personnage de Bruce, rassemblant ça et là des bouts du puzzle.

J'avoue que tout au long de cette lecture, j'ai essayé, sans évidemment réussir, à me mettre dans la peau de ce personnage. Je me suis posée et me pose encore quelques questions, dont vous excuserez la naïveté  : quelle(s) sensation(s) doit-on ressentir quand on reçoit une greffe ? Est-ce qu'on a l'impression de perdre une partie de soi ? Est-ce qu'on arrive à pouvoir considérer cet organe comme le sien ?  Puis, ce n'est pas rien, je pense, de pouvoir se dire que grâce à quelqu'un d'autre, on est toujours en vie ... 

En résumé, Le cœur d'une autre fait partie de ces livres qui nous amènent au-delà de la simple histoire romancée, qui nous donnent à réfléchir et à voir le monde différemment. J'en conseille vivement la lecture, de la première à la dernière page. 

Quelques phrases :
- "En me réveillant, je n'arrivais pas à croire que le cœur d'un autre battait dans ma poitrine. C'était devenu le mien, et même les pulsations que je percevais n'avaient rien de différent. Pourtant, mon vrai cœur, énorme, dilaté, malade, n'était plus là, et à sa place vibrait celui d'un inconnu." (page 44).
- "Je sentais mon pouls s'accélérer à la vue du fragon dont la gueule était transpercée d'une lance, comme si ses ailes déployées constellées de ronds noirs symétriques, sa queue vrillée par la douleur me faisaient aussi peur qu'à la jeune fille immobile derrière le monstre, les mains jointes en prière, le visage figé.
Mon cœur s'emporta à nouveau. Débridé, il cogna comme une grosse caisse. Je l'entendis bourdonner dans mes tympans, tandis que mon sang affluait dans chacune de mes artères.
Je me forçai à rester calme, à maîtriser mon angoisse, à ne rien dévoiler de la tempête intérieure qui me secouait. Et je compris, sans quitter le tableau des yeux, que ce que je ressentais, ce qui me faisait vibrer ainsi, ce n'était pas la peur d'un accident cardiaque, mais un plaisir pur". (page 80-81).

... cela faisait quelques chroniques que je n'écrivais plus ces petites phrases ... mais là, impossible de résister, tant je les ai aimées. 



2 commentaires:

  1. De retour sur ton blog, toujours aussi ravie de te lire...

    Comme toi, Eulimène, ma rencontre avec T. de Rosnay a été plutôt chaotique. La mémoire des murs ne m’a pas marquée. Ou pas dans un sens très positif… Je m’étais imaginé tout autre chose et j’avoue avoir été très déçue. Je ne pensais plus ouvrir un seul livre de cette auteure.

    Mais j’ai voulu persévérer et j’ai tenté de lire d’autres ouvrages. À raison…

    Le cœur d’un autre est un cadeau qu’on m’a fait. C’est un livre que je souhaitais découvrir. Et j’ai vraiment aimé ce personnage bourru et peu aimable, ce Bruce Boutard. Sa transformation m’a amusée et sa quête de la donneuse d’organes m’a touchée.

    Ce qui m’étonne souvent avec les romans de T. de Rosnay, c’est sa façon de partir d’un point A, de débuter une histoire et d’amener le lecteur progressivement vers un point B. C’est un cheminement qu’on suit avec plaisir, quand on est pris dans l’intrigue et qu’on ne veut pas lâcher l’ouvrage. Cette petite enquête qui tend à trouver qui était la mystérieuse donneuse, quels étaient ses derniers instants, sa vie, ses amours, sa relation avec les œuvres de la Renaissance.

    Une œuvre qui, après Boomerang, Elle s’appelait Sarah, et Rose, finit de me réconcilier complètement avec l’auteure.

    Ma citation préférée: « si tu tends l’oreille, si tu maîtrises ta crainte, si tu parviens à faire le silence en toi, tu capteras ces hommages silencieux, aussi imperceptibles, aussi légers qu’un bruissement d’ailes. » (p.271)

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  2. Belle chronique, je note le titre! =)

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Merci :)